Publié le 17 avril 2024

La maximisation du taux de récupération d’un gisement n’est pas un défi technique, mais un exercice de planification stratégique à long terme qui synchronise l’économie, la technologie et la réglementation.

  • Le véritable levier de valeur réside dans la capacité à séquencer les phases de récupération en fonction des prix du marché, notamment des différentiels canadiens comme le WCS.
  • Les techniques comme le CSC-RAH (CO2-EOR) ne sont pas de simples options, mais des pivots stratégiques qui peuvent transformer la rentabilité et le profil environnemental d’un actif.

Recommandation : Cessez de voir le pétrole non récupéré comme une perte et commencez à le gérer comme une option de valeur, dont l’exploitation future dépend d’une planification économique rigoureuse.

Pour tout directeur de gisement, le constat est immuable et frustrant : une part considérable des hydrocarbures, souvent plus des deux tiers, reste piégée sous terre après la fin de la production primaire et secondaire. C’est un capital dormant, une valeur non réalisée qui pèse sur le bilan de chaque actif. L’approche conventionnelle consiste à examiner un catalogue de techniques de récupération assistée des hydrocarbures (RAH) comme une série de solutions isolées, en se demandant laquelle appliquer. On parle alors d’injection de vapeur, de polymères ou de gaz, en se focalisant sur la compatibilité technique avec le réservoir.

Cette vision, bien que techniquement juste, est stratégiquement incomplète. Elle ignore la dimension la plus critique de la gestion d’actifs à long terme : le temps et l’économie. La véritable question n’est pas seulement « quelle technique utiliser ? », mais « quand et pourquoi ? ». La clé pour ne laisser aucune goutte derrière n’est pas de trouver la « meilleure » technologie, mais de construire un plan de match sur plusieurs décennies qui orchestre les phases de récupération en parfaite synchronisation avec les cycles de prix, les innovations technologiques et, de plus en plus, le cadre réglementaire canadien.

Cet article propose de renverser la perspective. Au lieu de subir le taux de récupération comme une fatalité géologique, nous allons le traiter comme une variable stratégique. Nous verrons comment chaque baril laissé en place n’est pas une perte sèche, mais une option de valeur dont l’exercice dépend d’une planification séquentielle rigoureuse. Il s’agit de transformer la gestion de réservoir en une véritable gestion de portefeuille d’options sur le long terme.

Pour vous guider dans cette approche stratégique, cet article est structuré pour suivre le cycle de vie décisionnel d’un gisement. Nous aborderons les phases de récupération non pas comme des étapes techniques, mais comme des leviers économiques et stratégiques à actionner au moment opportun.

Le scandale du pétrole abandonné : pourquoi les deux tiers de la ressource restent piégés sous terre ?

Le paradoxe fondamental de l’industrie pétrolière est qu’elle abandonne la majorité de la ressource qu’elle découvre. Pour un gestionnaire d’actifs, cela s’apparente à construire une usine et n’en utiliser qu’un tiers de la capacité. Les taux de récupération moyens pour les gisements de pétrole conventionnel oscillent généralement entre 20 % et 40 % en utilisant uniquement les méthodes primaires et secondaires. Cela signifie que pour chaque baril produit, deux autres restent prisonniers de la roche-réservoir. Ce pétrole n’est pas « perdu » ; il est simplement non rentable à extraire avec les méthodes de base et aux conditions de marché actuelles.

La raison de cet abandon apparent est double : physique et économique. Physiquement, le pétrole est piégé dans les pores microscopiques de la roche par des forces capillaires. Après la phase primaire (où la pression naturelle du gisement pousse le pétrole vers la surface) et la phase secondaire (où l’injection d’eau ou de gaz maintient la pression), le pétrole résiduel est souvent trop visqueux ou trop dispersé pour être déplacé efficacement. C’est là qu’interviennent les techniques de récupération assistée (RAH ou EOR en anglais), qui visent à modifier les propriétés du pétrole ou de la roche pour le libérer.

Cependant, le déploiement de ces techniques tertiaires est entièrement dicté par l’économie. Chaque méthode a un coût d’investissement et d’opération qui doit être justifié par le prix de vente du baril supplémentaire récupéré. Le « pétrole abandonné » n’est donc pas une fatalité technique, mais le résultat d’un arbitrage économique. Le véritable enjeu stratégique est de comprendre que cet arbitrage n’est pas statique. Un gisement jugé non rentable aujourd’hui peut devenir une mine d’or demain avec un prix du pétrole plus élevé ou une technologie de RAH plus abordable. Laisser ce pétrole derrière sans un plan de réévaluation future, c’est renoncer à une valeur d’option considérable.

Les trois vies d’un gisement de pétrole : primaire, secondaire, tertiaire

Un gisement de pétrole ne livre pas ses secrets en une seule fois. Sa vie productive se décompose en trois grandes phases, chacune correspondant à un niveau d’effort et d’investissement croissant. Comprendre cette séquence est la base de toute stratégie de maximisation de valeur. Au Canada, où la production continue de battre des records, avec une hausse de 4,3 % pour atteindre 298,8 millions de mètres cubes en 2024, l’optimisation de chaque phase est cruciale pour la rentabilité à long terme.

La première vie, la récupération primaire, est la plus simple. Elle repose sur l’énergie naturelle du réservoir. La pression des gaz dissous dans le pétrole ou de l’aquifère sous-jacent agit comme un piston naturel, poussant les hydrocarbures vers les puits de production. Cette phase est la moins coûteuse mais aussi la plus courte, récupérant généralement seulement 5 à 15 % du pétrole en place.

Lorsque la pression naturelle devient insuffisante, le gisement entre dans sa deuxième vie : la récupération secondaire. L’objectif est de maintenir la pression du réservoir ou de balayer le pétrole vers les puits producteurs. La méthode la plus courante est l’injection d’eau (« waterflooding ») dans des puits injecteurs périphériques pour pousser l’huile. On peut également injecter du gaz naturel. Cette phase permet d’augmenter le taux de récupération total à une fourchette de 20 à 40 %, mais laisse encore une quantité substantielle de pétrole piégé.

Infrastructure pétrolière montrant les systèmes d'injection d'eau et équipements de phase secondaire dans un champ de l'Alberta

C’est alors que s’ouvre la possibilité d’une troisième vie, la récupération tertiaire ou récupération assistée des hydrocarbures (RAH). Il ne s’agit plus seulement de pousser le pétrole, mais de changer ses propriétés ou celles de son interaction avec la roche. Ces méthodes (thermiques, chimiques, gazeuses) sont plus complexes et coûteuses, mais elles peuvent débloquer une part significative du pétrole restant et porter le taux de récupération final bien au-delà de 50 % dans certains cas. C’est le domaine de la planification stratégique par excellence, où l’analyse économique prime.

La « lessive » du réservoir : quelle est la meilleure chimie pour laver la roche et récupérer plus de pétrole ?

Lorsque l’injection d’eau atteint ses limites, le pétrole résiduel reste collé à la roche, piégé par des forces capillaires, un peu comme de la graisse sur un vêtement. L’injection de produits chimiques est l’équivalent d’une « lessive » à grande échelle pour le réservoir. L’objectif est de diminuer la tension entre l’eau et l’huile ou d’augmenter la viscosité de l’eau injectée pour qu’elle « pousse » le pétrole plus efficacement au lieu de simplement le contourner.

Trois grandes familles de produits chimiques sont utilisées :

  • Les polymères : De longues molécules sont ajoutées à l’eau d’injection pour l’épaissir. Cette « eau lourde » crée un front de balayage plus stable et homogène, améliorant le déplacement du pétrole vers les puits producteurs. C’est la méthode de RAH chimique la plus répandue.
  • Les tensioactifs : Ce sont des agents « savonneux » (surfactants) qui réduisent drastiquement la tension interfaciale entre l’huile et l’eau. Ils permettent de déloger les gouttelettes de pétrole piégées dans les pores de la roche, les rendant mobiles à nouveau.
  • Les alcalins : Des produits comme la soude caustique peuvent être injectés pour réagir avec certains acides présents naturellement dans le pétrole brut. Cette réaction crée des tensioactifs directement dans le réservoir (« in situ »), ce qui peut être une solution plus économique.

La sélection de la bonne « formule de lessive » (souvent une combinaison de ces produits, appelée ASP pour Alcalin-Surfactant-Polymère) est un processus complexe dépendant de la géologie du réservoir, de la salinité de l’eau et de la nature du brut. Cependant, la décision finale est toujours économique. Le coût de ces techniques est significatif, et une analyse de la récupération assistée évalue son coût entre 20 et 60 dollars par baril supplémentaire extrait. Ce coût doit être constamment comparé au prix de vente attendu du pétrole. Un projet ASP viable à 90 $/baril peut devenir un gouffre financier si les prix chutent à 50 $/baril. La stratégie ne consiste donc pas à trouver la meilleure chimie, mais la chimie la plus rentable pour un scénario de prix donné.

Le mythe du taux de récupération « fixe » : pourquoi la quantité de pétrole récupérable dépend avant tout de son prix

L’une des erreurs les plus courantes en gestion de gisement est de considérer le taux de récupération comme une caractéristique géologique immuable. En réalité, le volume de réserves « récupérables » est une variable dynamique, directement corrélée aux conditions économiques. Un baril de pétrole n’est une réserve prouvée que s’il peut être extrait et vendu avec un profit. Par conséquent, la quantité de pétrole techniquement accessible qui est effectivement récupérée dépend moins de la physique du réservoir que du prix du marché.

Cette réalité est particulièrement tangible au Canada, où la rentabilité des projets est fortement influencée par le différentiel de prix entre le Western Canadian Select (WCS), le brut de référence de l’Ouest canadien, et le West Texas Intermediate (WTI), le standard nord-américain. Le WCS se négocie souvent avec une décote par rapport au WTI en raison de sa qualité (plus lourd) et des contraintes de transport. Une analyse des variations de prix des pétroles de référence montre que cet écart peut fluctuer considérablement, impactant directement la marge bénéficiaire de chaque baril produit en Alberta ou en Saskatchewan.

Pour un gestionnaire d’actifs, cela signifie que la décision de lancer un projet de RAH ne peut pas être basée sur un prix spot. Elle doit reposer sur une modélisation de scénarios de prix à long terme, en intégrant des hypothèses sur l’évolution du différentiel WCS-WTI. Un projet de RAH qui est rentable avec un différentiel de 10 $/baril peut ne plus l’être si celui-ci s’élargit à 25 $/baril. La stratégie consiste à identifier des seuils de rentabilité et à planifier le déploiement des phases de RAH comme des options que l’on exerce lorsque les conditions de marché sont favorables. C’est l’essence de la synchronisation économico-technique : la technologie est prête, mais son déploiement est déclenché par un signal économique.

Stocker du CO2 et produire plus de pétrole : la technique « gagnant-gagnant » qui pourrait aider le climat et l’économie ?

Parmi les techniques de RAH, l’injection de gaz miscible, et plus particulièrement de dioxyde de carbone (CO2), occupe une place à part. Le CO2, sous certaines conditions de pression et de température, se mélange au pétrole, le fait gonfler et réduit considérablement sa viscosité, le rendant beaucoup plus facile à déplacer. Cette méthode est extrêmement efficace, mais son principal avantage est ailleurs : elle offre une voie pour transformer un déchet (les émissions de CO2) en un intrant de valeur, tout en le séquestrant de manière permanente dans le sous-sol.

Cette approche, connue sous le nom de CSC-RAH (Captage, Stockage et Utilisation du CO2 pour la Récupération Assistée des Hydrocarbures), crée une équation économique unique. Non seulement elle augmente la production de pétrole, mais elle peut aussi générer des revenus supplémentaires via les marchés du carbone ou les crédits d’impôt liés à la réduction des émissions. Le pétrole produit a ainsi une empreinte carbone potentiellement plus faible, et une partie du CO2 injecté reste définitivement piégée dans le réservoir, contribuant aux objectifs de décarbonation.

Étude de cas : Le projet Weyburn-Midale, pionnier canadien du CSC-RAH

Le projet Weyburn-Midale en Saskatchewan est un exemple emblématique de cette synergie. Lancé en 2000, ce projet a été l’un des plus grands au monde à étudier l’injection et le stockage de CO2 à grande échelle dans des champs pétroliers matures. Le CO2, capté à l’origine d’une usine de gazéification du charbon au Dakota du Nord, était transporté par un pipeline de 320 km pour être injecté dans les gisements. Selon les données du PTRC (Petroleum Technology Research Centre), le projet a permis non seulement de prolonger la vie des champs et d’augmenter significativement la récupération de pétrole, mais aussi de stocker des millions de tonnes de CO2 de manière sécuritaire et permanente. Il a démontré la faisabilité technique et économique d’un modèle où production d’énergie et action climatique ne sont pas mutuellement exclusives.

Le succès d’un projet de CSC-RAH dépend de la proximité d’une source de CO2 fiable et abordable, comme des complexes industriels ou des centrales thermiques. La construction d’infrastructures de transport de CO2 est un investissement majeur, mais elle peut être mutualisée entre plusieurs acteurs, comme le montre l’émergence de « hubs » de CSC au Canada.

Vue en coupe d'un réservoir géologique montrant l'injection de CO2 et les couches de roche

Pour le stratège, le CSC-RAH n’est pas juste une technique de plus. C’est un levier de transformation qui aligne les objectifs économiques de l’entreprise avec les impératifs environnementaux et réglementaires. C’est l’exemple parfait de l’arbitrage réglementaire, où une contrainte (le coût du carbone) devient une opportunité.

La seconde vie des vieux gisements : comment les technologies du schiste relancent la production conventionnelle

Les technologies développées pour l’exploitation des hydrocarbures de schiste, notamment la fracturation hydraulique et le forage horizontal, ont révolutionné la production non conventionnelle. Cependant, leur impact ne s’arrête pas là. Ces innovations trouvent aujourd’hui une seconde vie en étant réappliquées aux gisements conventionnels matures, permettant de débloquer des réserves jusqu’alors inaccessibles et de redéfinir la stratégie de fin de vie des champs.

Le forage horizontal, par exemple, permet de créer un drain beaucoup plus long au sein de la couche productive du réservoir, augmentant ainsi la surface de contact avec la roche et améliorant le drainage. Combiné à la fracturation hydraulique « ciblée », il est possible de reconnecter des poches de pétrole isolées ou de stimuler des zones à faible perméabilité qui avaient été contournées lors des phases de récupération primaire et secondaire. C’est une manière de « re-compléter » un puits existant à moindre coût pour lui donner un nouveau souffle de productivité.

Toutefois, la mise en œuvre de ces stratégies au Canada s’inscrit dans un cadre réglementaire et fiscal de plus en plus sophistiqué. Le gouvernement fédéral, par exemple, encourage massivement les investissements dans le captage et le stockage du carbone (CSC). Comme l’a rapporté Le Devoir, Ottawa a prévu jusqu’à 12,5 milliards de dollars en crédits d’impôt pour les projets de CSC. Cependant, il existe une nuance cruciale pour les gestionnaires de gisements, soulignée par les analystes.

La récupération assistée du pétrole, soit l’injection du carbone capté dans de vieux puits de pétrole pour les exploiter jusqu’à la dernière goutte, n’est pas admissible à l’aide fédérale.

– Michel Malo, Le Devoir – analyse des crédits d’impôt fédéraux

Cette distinction est fondamentale. Elle signifie qu’un projet de CSC « pur » (stockage sans production de pétrole) est fortement subventionné, tandis qu’un projet de CSC-RAH doit être rentable sur ses seuls mérites économiques (vente de pétrole et potentiels crédits carbone provinciaux). La stratégie d’un gestionnaire d’actifs doit donc intégrer cet arbitrage réglementaire complexe : faut-il viser une production accrue via la RAH ou maximiser les incitatifs fiscaux via le stockage pur ? La réponse dépendra de la modélisation économique de chaque scénario.

Comment « presser l’éponge » jusqu’à la dernière goutte : le match des techniques de récupération assistée

Une fois la décision stratégique prise d’engager une phase de récupération tertiaire, le gestionnaire de gisement se trouve face à un arsenal de techniques. Le choix n’est pas anodin et doit être le fruit d’une analyse rigoureuse qui confronte la nature du réservoir, la viscosité du pétrole et, bien sûr, les coûts opératoires. Il n’y a pas de solution universelle ; il y a une solution optimale pour chaque situation.

Le tableau ci-dessous, basé sur les informations compilées par des organismes spécialisés, synthétise les principales approches. Il permet de visualiser rapidement le « match » entre les différentes méthodes, chacune avec son terrain de jeu de prédilection. Comme le montre une analyse comparative des techniques de RAH, le choix est un compromis entre efficacité et complexité.

Comparaison des principales techniques de récupération assistée
Technique Méthode Application Efficacité
Injection thermique Vapeur d’eau Pétroles lourds et visqueux Fluidification du pétrole
Injection de gaz CO2, azote, gaz naturel Tous types de réservoirs Maintien de pression
Injection chimique Polymères, tensioactifs Réservoirs matures Réduction du piégeage

L’injection thermique, par exemple, est la méthode de choix pour les pétroles lourds et bitumineux de l’Alberta, car la chaleur réduit drastiquement leur viscosité. L’injection de gaz, notamment le CO2, est plus polyvalente mais requiert une source de gaz et une infrastructure de transport, comme illustré par l’Alberta Carbon Trunk Line (ACTL).

Étude de cas : L’Alberta Carbon Trunk Line (ACTL) comme épine dorsale de la RAH

L’ACTL, opérationnel depuis 2020, est un exemple parfait d’infrastructure stratégique. Ce pipeline de 240 km relie deux des plus grandes sources industrielles de CO2 de l’Alberta (la raffinerie Sturgeon et une usine d’engrais) à des champs pétroliers matures. Il ne sert pas un seul projet, mais agit comme une colonne vertébrale, permettant à plusieurs opérateurs d’accéder à du CO2 pour leurs projets de RAH. Soutenu par le gouvernement de l’Alberta, ce projet illustre une vision à long terme : en mutualisant les coûts d’infrastructure, on rend viables des projets de RAH qui n’auraient pas pu l’être individuellement. C’est la planification séquentielle à l’échelle d’une région.

Le choix de la technique n’est donc que la dernière étape d’un long processus de décision. Il doit être guidé par la stratégie globale de l’actif, en tenant compte des facteurs économiques et réglementaires définis en amont. La question n’est pas « quelle est la meilleure technique ? », mais « quelle technique maximise la valeur de mon actif, aujourd’hui et pour les dix prochaines années, dans le contexte canadien ? ».

À retenir

  • Le taux de récupération n’est pas une constante géologique mais une variable économique dynamique.
  • La rentabilité de la RAH au Canada est intrinsèquement liée aux différentiels de prix (ex: WCS/WTI) et au cadre réglementaire (crédits CSC).
  • La meilleure stratégie consiste à séquencer les investissements technologiques en fonction des signaux du marché, traitant le pétrole résiduel comme une option de valeur.

Ressources conventionnelles et non conventionnelles

La stratégie de maximisation de la récupération s’applique à tous les types de gisements, mais elle prend une dimension particulière au Canada en raison de la nature unique de ses réserves. Le pays est un géant pétrolier, mais son profil est atypique. Selon le Cahier d’information sur l’énergie du gouvernement du Canada, environ 97 % des réserves prouvées de pétrole du pays se trouvent dans les sables bitumineux de l’Alberta, une ressource non conventionnelle.

Cette prédominance des sables bitumineux a conduit au développement de technologies de récupération thermique de pointe (comme le SAGD – Steam-Assisted Gravity Drainage), qui sont une forme de RAH dès le début de l’exploitation. Pour ces actifs, la « maximisation » ne consiste pas à planifier une phase tertiaire, mais à optimiser en continu l’efficacité du processus thermique, en réduisant la quantité de vapeur (et donc d’énergie) nécessaire par baril produit (le « SOR » – Steam-Oil Ratio). Les innovations visent à injecter des solvants avec la vapeur ou à améliorer la récupération de chaleur.

Pour les gisements conventionnels, qui représentent une plus petite part des réserves mais une part significative de la production historique et actuelle, la stratégie de séquençage (primaire, secondaire, tertiaire) reste le modèle dominant. L’enjeu pour ces actifs est d’intégrer les leçons et les technologies du non conventionnel (forage horizontal) et de planifier judicieusement le passage à la RAH chimique ou gazeuse en fonction de l’économie. La gestion de ces deux types de patrimoines exige une expertise différenciée mais une philosophie commune : traiter le gisement comme un actif à valoriser sur le très long terme.

Plan d’action : Votre feuille de route pour implémenter la RAH dans un gisement mature

  1. Caractérisation exhaustive : Mettez à jour le modèle géologique du réservoir avec toutes les données de production historiques et les nouvelles données sismiques pour identifier les zones de pétrole résiduel.
  2. Screening technique : Évaluez la compatibilité des différentes techniques de RAH (thermique, chimique, gaz) avec les propriétés de votre brut et de votre réservoir.
  3. Modélisation économique : Menez des études de faisabilité robustes pour chaque option viable, en intégrant des scénarios de prix du pétrole à long terme et l’impact du différentiel WCS-WTI.
  4. Analyse réglementaire : Évaluez l’éligibilité de votre projet aux crédits d’impôt provinciaux ou fédéraux (CSC, etc.) et engagez le processus d’obtention des permis.
  5. Déploiement pilote : Avant un déploiement à grande échelle, lancez une phase pilote sur une portion limitée du champ pour valider les hypothèses techniques et ajuster les paramètres d’injection.

En fin de compte, qu’il s’agisse de presser la dernière goutte d’un champ conventionnel vieillissant en Saskatchewan ou d’optimiser l’efficacité énergétique d’une opération de sables bitumineux en Alberta, la logique reste la même. Il s’agit de repousser constamment les limites techniques, mais de ne le faire que lorsque l’équation économique le justifie, dans une approche disciplinée et stratégique.

Pour transformer cette vision stratégique en résultats concrets, il est crucial de suivre une démarche structurée. Revoir les étapes clés de ce plan d'action est un excellent point de départ.

Pour véritablement transformer la performance de vos actifs, l’étape suivante consiste à réévaluer vos plans de développement de gisements à travers ce prisme de la synchronisation économico-technique et de la valeur d’option. Une analyse personnalisée de votre portefeuille d’actifs peut révéler un potentiel de valeur inexploité et significatif.

Rédigé par Michel Tremblay, Michel Tremblay est un ingénieur de forage senior avec plus de 25 ans d'expérience sur le terrain, spécialisé dans l'optimisation des opérations en conditions difficiles et l'ingénierie de précision. Son expertise couvre aussi bien les plateformes offshore de l'Est que les sites non conventionnels de l'Ouest.