
La véritable révolution de l’extraction moderne ne réside pas dans la puissance brute, mais dans l’intelligence de la trajectoire : le forage directionnel est moins une technique qu’une discipline d’ingénierie de précision.
- Cette approche permet d’exploiter de multiples gisements depuis une seule plateforme (Pad Drilling), réduisant drastiquement l’empreinte au sol.
- Le pilotage en temps réel (geosteering) transforme le forage en une opération chirurgicale, maximisant le contact avec les réservoirs les plus fins.
Recommandation : Abordez chaque projet de forage non pas comme un défi de force, mais comme un problème de géométrie et de stratégie pour optimiser la rentabilité et la durabilité.
Quand on imagine une opération de forage, l’image qui vient à l’esprit est souvent celle d’une immense tour d’acier s’enfonçant verticalement dans le sol. Cette vision, bien que symbolique, est aujourd’hui largement dépassée. L’extraction moderne, confrontée à des gisements plus complexes et à des exigences environnementales croissantes, a dû se réinventer. On pense souvent que la solution a été trouvée dans des techniques spectaculaires comme la fracturation hydraulique. Pourtant, cette dernière ne serait rien sans son partenaire plus discret mais fondamental : le forage directionnel.
L’idée commune est que forer en courbe sert avant tout à contourner un obstacle ou à atteindre une cible inaccessible verticalement. C’est vrai, mais c’est aussi incroyablement réducteur. La véritable rupture ne se trouve pas dans la capacité à dévier une trajectoire, mais dans l’art de la concevoir et de la piloter avec une précision millimétrique à des kilomètres de profondeur. C’est là que la technique devient une discipline à part entière, un véritable jeu d’échecs tridimensionnel où la stratégie, la planification et l’intelligence des données priment sur la force brute.
Cet article plonge au cœur de cette discipline. Nous allons délaisser les idées reçues pour explorer comment le forage directionnel est devenu le pilier de la performance et de la durabilité dans le secteur énergétique, notamment au Canada. Nous décortiquerons les outils qui rendent cela possible, les stratégies qui démultiplient l’efficacité, comme le « Pad Drilling », et la manière dont cette expertise, forgée dans les champs pétroliers, devient aujourd’hui un atout majeur pour la transition énergétique, des projets géothermiques aux infrastructures urbaines. Préparez-vous à changer de perspective : le forage n’est plus une question de profondeur, mais d’élégance de la trajectoire.
Pour appréhender cette discipline dans son intégralité, nous explorerons les secrets des outils de pilotage, les stratégies qui révolutionnent l’efficacité sur le terrain et les applications innovantes qui dessinent l’avenir de l’énergie et de l’aménagement au Canada.
Sommaire : Le forage directionnel, une discipline d’ingénierie de précision
- Comment fait-on tourner un trépan à 3 km sous terre ? Les secrets des outils de forage directionnel
- Le « Pad Drilling » : la technique qui permet de forer 20 puits depuis un espace de la taille d’un terrain de football
- Forer en courbe : est-ce plus difficile dans le « beurre » ou dans le « béton » ?
- Le piège du puits « tortueux » : l’erreur de forage qui complique toutes les opérations futures
- Le forage directionnel au service de la ville : comment poser des câbles et des tuyaux sans creuser de tranchées
- Le « geosteering » : l’art de piloter un trépan à 2 km de profondeur pour suivre une veine de pétrole de 2 mètres
- Le héros oublié de la révolution du schiste : pourquoi le forage horizontal est plus important que la fracturation
- Ingénierie de précision
Comment fait-on tourner un trépan à 3 km sous terre ? Les secrets des outils de forage directionnel
Piloter un trépan avec précision à plusieurs kilomètres sous la surface terrestre relève de la haute technologie. L’idée de simplement « pousser » sur un train de tiges flexible est une simplification extrême. En réalité, le contrôle directionnel repose sur deux familles d’outils sophistiqués. La première est celle des moteurs de fond (mud motors). Ces dispositifs utilisent la circulation du fluide de forage (la boue) pour actionner une turbine qui fait tourner uniquement le trépan, tandis que le reste du train de tiges reste statique. Un coude réglable (bent sub) situé juste au-dessus du moteur donne l’angle d’attaque initial. Pour forer droit, on fait tourner l’ensemble du train de tiges depuis la surface ; pour dévier, on arrête la rotation de surface et on laisse le moteur de fond faire son travail en « glissant » dans la direction souhaitée.
La seconde technologie, plus avancée, est celle des systèmes rotatifs directionnels (Rotary Steerable Systems – RSS). Ces outils permettent de diriger le puits tout en maintenant une rotation continue de l’ensemble du train de tiges. Grâce à des patins hydrauliques ou des arbres de transmission internes qui s’orientent en temps réel, le RSS « pousse » le trépan dans la direction voulue avec une fluidité et une précision inégalées. Cette méthode produit des puits plus lisses et améliore considérablement la vitesse de forage. L’efficacité de ces outils est cruciale pour la rentabilité, dans un contexte où la production de gaz naturel atteint des sommets, avec par exemple près de 18,4 milliards de pieds cubes par jour produits au Canada en 2024.
L’optimisation de ces outils a un impact économique direct. Un grand producteur de pétrole lourd de l’ouest du Canada a par exemple réussi à économiser 7,5 millions de dollars par plateforme en rationalisant ses processus de forage. Dans les conditions exigeantes du bassin sédimentaire de l’Ouest canadien, chaque journée gagnée sur un projet peut représenter une économie de 50 000 $, démontrant que la performance des outils directionnels est un levier de rentabilité majeur.
Le « Pad Drilling » : la technique qui permet de forer 20 puits depuis un espace de la taille d’un terrain de football
Le forage multi-puits, ou « Pad Drilling », est sans doute l’une des applications les plus spectaculaires et efficaces du forage directionnel. Le principe est simple en apparence mais révolutionnaire dans son exécution : au lieu de construire une nouvelle plateforme de forage pour chaque puits, on regroupe des dizaines de têtes de puits sur une seule et même aire de travail (le « pad »), souvent pas plus grande qu’un terrain de football. Depuis ce point unique, on fore une multitude de puits qui partent verticalement sur quelques centaines de mètres avant de s’orienter dans toutes les directions, tels les racines d’un arbre, pour atteindre des zones du réservoir distantes de plusieurs kilomètres.
Cette approche transforme radicalement l’économie et l’écologie de l’extraction. En centralisant les opérations, on réduit drastiquement les infrastructures nécessaires : moins de routes d’accès, moins de pipelines de collecte, moins de défrichage et une perturbation minimale de la faune. La foreuse elle-même peut être montée sur des rails, lui permettant de glisser d’une tête de puits à l’autre en quelques heures, là où il fallait auparavant des semaines pour la démonter, la transporter et la remonter. Cette concentration des activités est devenue une norme dans l’exploitation des hydrocarbures de schiste en Amérique du Nord.
L’efficacité de cette méthode a propulsé son adoption à l’échelle mondiale. Le marché du forage multi-pad est un indicateur clair de cette tendance, avec une valeur estimée à 77,9 milliards de dollars américains en 2024 et une croissance annuelle projetée de 7,8 % jusqu’en 2034. Cette technique n’est plus une option, mais une stratégie fondamentale pour une exploitation à grande échelle, rentable et à empreinte réduite.

Comme le montre cette vue aérienne, l’organisation géométrique parfaite d’un site de « Pad Drilling » est la manifestation visible d’une logistique optimisée à l’extrême. Chaque tête de puits est une porte d’entrée vers une section différente du gisement, le tout géré depuis une base unique. C’est l’incarnation de l’adage « travailler plus intelligemment, pas plus durement », appliqué à l’échelle industrielle.
Forer en courbe : est-ce plus difficile dans le « beurre » ou dans le « béton » ?
La difficulté de piloter une trajectoire de forage ne dépend pas seulement de la complexité de la courbe, mais aussi, et surtout, de la nature des formations géologiques traversées. Pour simplifier, on peut opposer deux extrêmes : forer dans le « beurre » et forer dans le « béton ». Le « béton » représente les formations dures et consolidées, comme le calcaire, le grès dense ou le granite. Forer dans ces roches demande une énergie considérable et use rapidement les trépans. Cependant, une fois la trajectoire initiée, la roche dure offre un excellent support. Le puits est stable et la direction est relativement facile à maintenir, car le trépan a tendance à suivre le chemin de moindre résistance qu’on lui a créé.
À l’opposé, le « beurre » symbolise les formations molles, peu ou pas consolidées, comme les argiles, les sables ou les fameux sables bitumineux de l’Alberta. On pourrait croire qu’il est plus facile de forer dans un matériau tendre, mais c’est un piège. Le manque de cohésion de la roche rend le pilotage extrêmement délicat. Le trépan peut dévier de manière imprévisible, et les parois du puits sont instables, menaçant de s’effondrer. C’est dans ce contexte que des techniques comme le SAGD (Steam-Assisted Gravity Drainage) sont utilisées pour extraire le bitume des 168 milliards de barils de réserves économiquement récupérables en Alberta. Cette méthode implique de forer deux puits horizontaux parfaitement parallèles, l’un à seulement quelques mètres au-dessus de l’autre, sur des longueurs de plus d’un kilomètre. Le puits supérieur injecte de la vapeur pour fluidifier le bitume, qui s’écoule ensuite par gravité dans le puits inférieur.
Le défi est immense : maintenir un espacement vertical constant dans une formation molle et hétérogène qui se déforme sous l’effet de la chaleur est un exploit d’ingénierie de précision. L’extraction in situ, qui représente aujourd’hui 53 % de la production des sables bitumineux canadiens, dépend entièrement de cette maîtrise du forage en milieu « beurre ». Finalement, la difficulté ne réside pas dans la dureté de la roche, mais dans la capacité à imposer et à maintenir une trajectoire précise dans un environnement instable.
Le piège du puits « tortueux » : l’erreur de forage qui complique toutes les opérations futures
Dans l’ingénierie du forage directionnel, un puits « lisse » n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Un puits qui présente des ondulations excessives ou des changements d’angle trop brusques est qualifié de « tortueux ». Cette tortuosité, souvent invisible sur un plan en deux dimensions, est l’ennemi juré de l’efficacité et de la sécurité. Elle est généralement le résultat de corrections de trajectoire trop agressives, d’une mauvaise sélection des outils ou d’une méconnaissance des formations géologiques. Les conséquences d’un puits tortueux se manifestent tout au long de sa vie et peuvent transformer une opération prometteuse en un gouffre financier.
Premièrement, la friction augmente de façon exponentielle. Chaque courbe et chaque ondulation crée un point de contact supplémentaire entre le train de tiges et la paroi du puits. Cette friction accrue rend le forage plus lent, consomme plus d’énergie et peut même empêcher d’atteindre la cible finale par manque de « poids » transmissible au trépan. Deuxièmement, la tortuosité complique toutes les opérations ultérieures. Descendre les tubages (casing), les outils de complétion ou les équipements de fracturation devient un véritable casse-tête. Le matériel peut rester coincé, entraînant des opérations de « pêche » coûteuses et risquées. Enfin, un puits tortueux subit une usure prématurée, tant au niveau du tubage que des équipements de production (tiges, pompes) qui frottent en permanence contre les parois.
Prévenir la tortuosité est donc un objectif central de la planification et du pilotage. Il s’agit de privilégier des courbes douces et progressives, même si cela implique une trajectoire légèrement plus longue. Les outils RSS, qui permettent une rotation continue, sont particulièrement efficaces pour obtenir des puits lisses. La surveillance en temps réel de l’indice de tortuosité est une pratique standard pour s’assurer de rester dans les limites acceptables et garantir la viabilité à long terme du puits.
Plan d’action : Prévenir la tortuosité des puits
- Localisation des services : Localiser précisément tous les services publics et obstacles souterrains existants avant de commencer pour éviter les déviations imprévues et les corrections brusques.
- Arpentage et planification : Effectuer un arpentage complet du site pour déterminer l’itinéraire optimal, en intégrant les contraintes du terrain et de la géologie pour une trajectoire aussi lisse que possible.
- Pilotage en temps réel : Utiliser des outils de positionnement (type Digitrak pour le forage de surface) pour connaître la position et la profondeur exacte de la tête de forage à chaque instant.
- Surveillance des données : Ajuster continuellement la trajectoire avec les données MWD/LWD (Measurement/Logging While Drilling) pour maintenir l’indice de tortuosité sous les seuils contractuels définis.
- Correction active : Appliquer des séquences de « lissage » avec des outils RSS avancés pour corriger proactivement toute section présentant une amorce de tortuosité excessive.
Le forage directionnel au service de la ville : comment poser des câbles et des tuyaux sans creuser de tranchées
L’expertise du forage directionnel, initialement développée pour les profondeurs des bassins sédimentaires, a trouvé une application tout aussi stratégique, mais à bien plus faible profondeur : sous nos pieds, en plein cœur des villes. Le forage directionnel horizontal (FDH) est la technologie qui permet d’installer des infrastructures souterraines (câbles de fibre optique, conduites d’eau, de gaz, d’électricité) sans avoir à creuser de tranchées dévastatrices. Cette méthode est une révolution pour les projets urbains, minimisant les perturbations pour les résidents, la circulation et les commerces.
Le processus est d’une grande ingéniosité. Une foreuse, relativement compacte, est installée à une extrémité du tracé. Elle fore un puits pilote le long d’une trajectoire courbe soigneusement planifiée, passant sous les rues, les parcs, les bâtiments et même les rivières. La tête de forage est suivie en temps réel depuis la surface grâce à un émetteur-récepteur. Une fois que le puits pilote a atteint son point de sortie, le trépan est remplacé par un « alésoir » qui élargit le trou à la dimension requise en étant tiré en sens inverse. La conduite ou le câble à installer est attaché derrière l’alésoir et tiré dans le trou fraîchement élargi, le tout en une seule opération.
Les entreprises canadiennes sont passées maîtres dans cet art. Par exemple, Les Forages Nella ont réalisé avec succès l’installation de 285 mètres de conduite de 14 pouces sous un parc de l’Université Carlton à Ottawa, une opération qui aurait été un cauchemar logistique avec des méthodes traditionnelles. Cette technologie s’adapte à toutes les échelles, des petits raccordements résidentiels aux traverses de rivières de plus d’un kilomètre dans le roc, nécessitant des machines capables de développer jusqu’à 750 000 livres de force de traction.

Cette coupe illustre parfaitement le concept : une artère vitale est installée sous l’asphalte sans que la vie en surface ne soit interrompue. Le FDH est devenu un outil indispensable pour le développement et la modernisation des infrastructures urbaines, une application discrète mais essentielle de l’ingénierie de précision du forage.
Le « geosteering » : l’art de piloter un trépan à 2 km de profondeur pour suivre une veine de pétrole de 2 mètres
Si le forage directionnel est le système nerveux de l’extraction moderne, le « geosteering » en est le cerveau. Ce terme anglais, que l’on pourrait traduire par « géo-pilotage », désigne l’art de guider activement le trépan en temps réel pour le maintenir à l’intérieur de la zone la plus productive d’un réservoir, souvent une couche géologique ne mesurant que quelques mètres d’épaisseur, voire moins. C’est l’ultime expression de l’ingénierie de précision, où le forage n’est plus une simple exécution de plan, mais une exploration interactive et adaptative.
Le geosteering repose sur une synergie parfaite entre les technologies et les compétences humaines. Les outils LWD (Logging While Drilling), intégrés près du trépan, agissent comme les « yeux » de l’opération. Ils mesurent en continu les propriétés des roches traversées (gamma-ray, résistivité, densité) et transmettent ces données à la surface par impulsions dans la boue de forage. En salle de contrôle, des géologues et des ingénieurs comparent ces données en temps réel au modèle géologique initial. Ils interprètent les signaux pour déterminer si le trépan est en train de monter vers le toit du réservoir, de descendre vers sa base, ou s’il se trouve dans la « sweet spot ».
En fonction de cette analyse, ils envoient des commandes à la foreuse pour ajuster la trajectoire de manière infime, par dixièmes de degré, afin de « surfer » sur la couche la plus riche en hydrocarbures. C’est un dialogue constant avec le sous-sol. Cette précision chirurgicale permet de maximiser la longueur du drain exposé à la roche productive, augmentant ainsi drastiquement la productivité du puits. Dans un contexte où les grands producteurs canadiens, comme Suncor, visent des augmentations de production significatives, avec des prévisions pouvant atteindre 810 000 à 840 000 barils par jour en 2025, chaque mètre de forage optimisé par le geosteering compte.
Le héros oublié de la révolution du schiste : pourquoi le forage horizontal est plus important que la fracturation
Dans l’imaginaire collectif, la « révolution du schiste » qui a bouleversé le paysage énergétique nord-américain est synonyme de fracturation hydraulique. Cette technique, qui consiste à injecter un fluide à haute pression pour créer des fissures dans la roche et libérer le pétrole et le gaz piégés, a certes joué un rôle clé. Cependant, elle n’est que la moitié de l’histoire. Le véritable héros méconnu, la technologie habilitante sans laquelle la fracturation à grande échelle serait inefficace et non rentable, est le forage horizontal.
Les hydrocarbures de schiste sont contenus dans des formations rocheuses très étendues horizontalement mais très minces verticalement. Forer un puits vertical traditionnel à travers une telle couche, c’est comme essayer de boire un milkshake à travers une paille en ne perçant le couvercle que sur un millimètre. Le point de contact est minime et le débit quasi nul. Le génie du forage horizontal a été de changer de paradigme : au lieu de traverser la couche, il s’agit de forer *à l’intérieur* de celle-ci, sur des distances pouvant atteindre plusieurs kilomètres. Le puits devient alors un drain géant qui maximise la surface de contact avec la roche-mère.
C’est seulement une fois que cette « autoroute » souterraine est en place que la fracturation prend tout son sens. Elle permet de créer un réseau de « routes secondaires » qui viennent se connecter à l’axe principal. Le forage horizontal crée l’accès, la fracturation déverrouille le potentiel. L’un sans l’autre est largement insuffisant. Cette combinaison a permis d’atteindre des niveaux de production impensables il y a vingt ans, comme en témoigne le record de 4,2 millions de barils de pétrole par jour produits en Alberta en 2023, une performance largement due à la maîtrise de ce duo technologique.
Cette distinction est fondamentale pour comprendre l’extraction dans des contextes comme les sables bitumineux, où les méthodes varient drastiquement selon la profondeur. Une analyse comparative récente des méthodes d’extraction illustre bien cette dualité stratégique.
| Méthode | Proportion exploitable | Production actuelle | Profondeur |
|---|---|---|---|
| Extraction minière | 20% | 47% | Surface à 75m |
| Extraction in situ (SAGD) | 80% | 53% | Plus de 75m |
Ce tableau, basé sur une analyse des stratégies d’exploitation, montre que la majorité des réserves (80%) n’est accessible que par des méthodes in situ, qui reposent intégralement sur le forage directionnel et horizontal.
À retenir
- Le forage directionnel moderne est une discipline d’ingénierie de précision qui privilégie la stratégie de trajectoire sur la force brute.
- La technique du « Pad Drilling » a révolutionné l’industrie en permettant de forer des dizaines de puits depuis une seule plateforme, minimisant l’empreinte environnementale.
- Les compétences développées pour le secteur pétrolier, comme le forage à grande profondeur, sont directement transférables et cruciales pour la transition énergétique (ex: géothermie).
Ingénierie de précision
Au terme de ce parcours au cœur des technologies de forage, une conclusion s’impose : le forage directionnel a dépassé son statut de simple technique pour devenir une véritable discipline d’ingénierie de précision. La capacité à dessiner et à suivre une trajectoire complexe à des kilomètres sous terre n’est pas qu’un exploit technique ; c’est un levier stratégique qui redéfinit ce qui est possible en matière d’extraction d’énergie, de développement d’infrastructures et de gestion environnementale. Chaque avancée, du geosteering aux systèmes RSS, contribue à transformer une opération autrefois hasardeuse en une chorégraphie souterraine maîtrisée.
La plus grande preuve de la maturité de cette discipline est peut-être sa capacité à se réinventer au service de la transition énergétique. L’expertise forgée dans les conditions extrêmes des champs pétroliers canadiens est aujourd’hui le moteur de projets d’avenir.
Étude de cas : Le projet géothermique DEEP en Saskatchewan
Le projet de la société DEEP Earth Energy Production près d’Estevan, en Saskatchewan, est emblématique. Il s’agit de la première centrale géothermique du Canada, un projet de 50 millions de dollars visant à exploiter la chaleur du bassin de Williston. Pour ce faire, l’entreprise a foré les puits les plus profonds de la province, atteignant 3,5 kilomètres de profondeur. Cette centrale de 5 mégawatts pourra alimenter 5000 foyers en électricité propre et renouvelable, tout en créant une centaine d’emplois. Ce projet démontre parfaitement comment le savoir-faire en forage directionnel à grande profondeur est directement appliqué pour débloquer le potentiel des énergies propres, un investissement qui promet des réductions de 50 à 60% des coûts de chauffage pour les applications résidentielles.
Cette transition est le fruit d’une vision stratégique, comme le résume Kirsten Marcia, présidente de DEEP Earth Energy Production :
Tout ce qu’il nous reste à faire est d’affiner notre connaissance des ressources sur place, connaître la taille optimale des puits, l’espacement optimal entre les centrales.
– Kirsten Marcia, Présidente de DEEP Earth Energy Production
Son propos, bien que centré sur la géothermie, encapsule l’essence même de l’ingénierie de précision du forage : la connaissance des ressources, l’optimisation de la géométrie et la planification stratégique. Qu’il s’agisse d’extraire du pétrole, de capter la chaleur de la Terre ou de déployer la fibre optique, les principes restent les mêmes. La maîtrise de la trajectoire est la clé.
Pour vos projets, l’étape suivante consiste à intégrer cette philosophie de précision dès la phase de planification, en considérant chaque forage comme une opportunité d’optimisation stratégique.